samedi 15 décembre 2007

Une école au Paradis / Moméires d'un dyslexique




Résumé: Suivant le conseil d'un ami médecin, Frédéric quitte Paris à onze ans - nous sommes en 1960 - pour un petit village d'Alsace - Bellefosse - et son école ouverte aux enfants atteints de dyslexie. Il y restera trois ans. Sa logeuse lui offre la chaleur maternelle qui lui manquait. Les copains, venus de toute la France pour la même raison que lui, forment bientôt un groupe uni dans l'effort des études et l'hilarité provoquée par les grosses bêtises qu'ils ne manquent pas de faire.À la fin de son séjour se profile l'épreuve du Certificat d'études qui va conditionner toute sa vie professionnelle. Mais, après avoir passé son temps libre à bricoler dans l'atelier, Frédéric a déjà décidé de son futur métier. Frédéric Witté écrit ici son premier roman, inspiré par sa jeunesse. Quarante ans après avoir quitté Bellefosse, il se rappelle des gens et des moments qui ont à jamais marqué son esprit : sa logeuse, ses instituteurs, ses copains, les dictées, la Perheux, les compétitions de ski, les caisses à savon qui dévalaient les rues en pente, le catéchisme...
Les premières lignes L'école Septembre 1955
Dernier jour du mois de septembre. Frédéric, songeur, regarde par la fenêtre de l'appartement qu'il occupe avec ses parents et qui est situé dans la proche banlieue parisienne, à deux pas du pont de Neuilly. http://fr.structurae.de/structures/data/index.cfm?ID=s0001124 Devant lui s'étend le vaste domaine des chemins de fer. Douze voies ferrées avec des lignes de petite et de grande banlieue, sans oublier les voies de grandes lignes qui courent au loin vers l'ouest. Au-delà de ce champ de rails luisants est implantée une immense gare de triage qui étale ses wagons de toutes sortes : citernes, bennes, plateaux et trémies, toujours en perpétuel mouvement. Dans une cohue indescriptible, tout ce bazar roule, zigzague, se tamponne, s entrechoque ou attend son chargement. En tournant un peu la tête du côté droit, ce qu'il aperçoit est encore plus déprimant. Il peut contempler le tristement célèbre bidonville de Nanterre, dégâts collatéraux de l'immigration et plus tard de la guerre d'Algérie, chaque jour plus grand, plus pitoyable, plus miséreux. Frédéric n'est âgé que de six ans et n'a pas encore conscience de l'ampleur du dénuement de ces exclus de la société, pourtant Français tout comme lui. Il préfère encore regarder passer les longs convois tirés par ces monstres d'acier, fumant et crachant, tout entourés de vapeur, qui surgissent devant lui dans de véritables explosions.Des explosions, Frédéric en connaît de quotidiennes au sein de sa famille. Elle se compose de six enfants, d'un père et, surtout, d une mère... Il n'a pas toujours été facile, pour les parents, d'élever autant d'enfants dans cette ennuyeuse banlieue, confrontés à la routine de chaque jour et serrés dans ce si petit appartement, même s'ils n'ont été que rarement tous les huit ensemble entassés à la maison. A la faveur de l'envoi en colonie de vacances pour l'un, de l'apprentissage pour un autre, du départ à l'armée pour les aînés ou encore parfois sans raison apparente pour des durées assez longues, un à un, les enfants sont éloignés du foyer familial. Frédéric, lui-même, a été écarté dès l'âge de cinq ans sous prétexte de mauvaise santé, à plus de cinq cents kilomètres de là et pour plusieurs mois. Trop chétif, paraît-il. Comme tous, lorsqu'il est au domicile familial, il subit les crises de nerfs et les explosions de colère maternelle, que le père, philosophe, résume ironiquement en une phrase sibylline :«Le bruit de la mère, qui empêche les petits poissons de dormir»Dormir, cette nuit Frédéric en aura bien besoin pour oublier ses angoisses et ce de quoi demain, immanquablement, sera fait. Il en a gros sur le coeur. Aujourd'hui, c'était le dernier jour des vacances et il va lui falloir affronter un monde nouveau pour lui, l'école.

L’école.1955 Moméires d'un Dyslexique

Repère les mots écrits avec des inversions.

L’enfant, visiblement terrifié, se trouve là, au petit matin, au pied d’un grand bâtiment gris qui occupe à lui seul toute la longueur de la rue Roussel, chichement éclairée par un unique bec de gaz blafard. C’est l’école conummale. Culotte courte , gros cartable, genoux flageolants, à contrecoeur il lâche enfin la main de sa mère et pénètre d’un pas lourd dans l’institution. Passé la torpe monumentale, tous ses sens s’arrêtent de fonctionner, sa mémoire se brouille. Comme un somnambule, Frédéric se dirige vers la cour de récréation. Croyant se protéger d’on ne sait quoi, il s’isole au plus lion des jeux des autres enfants. Au coup de sifflet, il tente de trouver son rang, se case où il peut, se trompe plusieurs fois, se fait chasser, panique et enfin, par hasard sans doute, trouve le bon groupe d’élèves. Déjà la maîtresse pressée admoneste le redartataire. Le voilà dans la salle de classe. Il croit y être enfin, à l’abri. Mais, point de répit pour Frédéric. Il voit approcher, avec effroi, la maîrtesse. Passant de banc en banc, elle interroge, tour à tour les élèves, pour tester le niveau de chacun.- « Bheeeee » et « Uhuuuu », articule-t-elle.
L’enfant est alors supposé répondre- « BU ». Il faut croire que cette classe n’est remplie que de petits surdoués, car apparemment les génies s’acquittent bien de la difficluté. Frédéric, lui, n’y comprend rien ! Cela a pour effet de le terroriser davantage encore. À présent, c’est son tour ! La maîtresse s’affale sur le putipre, derrière lequel, l’enfant n’en mène pas large.- « Neuuuuu », « illyyyyy », questionne-t-elle ! ?
Quelle chance ! Ça, il le sait, tu penses, c’est là où il habite- Neuilly !
Claironne Frédéric, tout fier !
Frédéric n’a pas de chance, la réponse attendue était « NI » La maîtresse visiblement dubitative, ne comprend pas le rapport entre la question qu’elle a posée et la réponse que l’enfant lui a faite. Elle marque d’abord un temps d’arrêt. Puis, preplexe, se redresse, lui tourne le dos et en s’éloignant, marmonne à son encontre cette sentence définitive et sans appel :- Qu’il est bête celui-là !
Mais l’enfnat a très bien entendu. Et c’est la carusse, brutale, définitive ! Depuis cet instant là, dans la mémoire d’enfance de Frédéric il n’y a plus Rien … !.* *
*REPONSES : Porte maîtresse loin retardataire cassure pupitre difficulté perplexe enfant communale
Lorsque l’enfant reparaît. Octobre 1960
Une épaisse pénombre commence à tomber sur le col de la Perheux. Le vieux taxi, une antique traction Citroën toute noire, escalade péniblement la seule rue du village. Il faudrait plutôt parler d’un chemin, si étroit, en pente si raide, si raviné qu’il est. Bellefosse, Béfoss en patois, est un de ces petits villages oubliés de la haute vallée de la Bruche. Il est situé dans les Vosges mais est rattaché administrativement au département du Bas-Rhin, donc à l’Alsace.







http://www.lechampdufeu.com/bellefosse/

La voiture se range maintenant devant la Mairie-école. Le bâtiment en pierres de granit régulières tranche nettement avec les autres maisons du lieu toutes à peu près bâties sur un même modèle. Une étable basse fermée d’une porte en demi-panneau, puis l’ouverture de la grange avec son arche toute ronde, en grès rose des Vosges et enfin d’étroites fenêtres donnant sur l’habitation principale. Le tout est coiffé d’un immense toit en auvent qui unit bêtes et humains en une même demeure. On peut en apercevoir plusieurs modèles tout autour de l’école. En raison de la forte pente, les fermes sont étagées, comme bâties les unes au-dessus des autres. Chaque maison surplombant la toiture de sa voisine, située en contrebas le long du chemin. Frédéric, qui s’extrait du taxi, dernier cocon qui le rattache à son passé, regarde autour de lui sans rien voir. L’environnement lui est pour l’instant étranger, mais dès lors qu’il met un pied au sol, il entre sans s’en douter dans une nouvelle vie, sa vie. Enfin ! Il l’ignore encore, mais sa mémoire s’est subitement remise à fonctionner. Les impressions, les odeurs, les sensations, l’angoisse grandissante qu’il ressent à ce moment, tout contribue à le faire renaître. Cependant pour l’heure, on ne lui laisse pas le temps d’en prendre conscience.
Il y a plus urgent. Sa mère n’a que quelques minutes pour le remettre avec armes et bagages à ses nouveaux éducateurs, avant de s’engouffrer, tout aussitôt, dans le taxi, sans oublier de lui donner encore la consigne « d’être bien sage ». Comme si l’instant se prêtait à la rigolade ! Et déjà la voilà repartie ! Pensez, le train en gare de Fouday n’attendra pas ! * * *

http://www.lesgares.com/decouverte/gare_dec.php?hist=1&req=10&rep=vosges2


BELLEFOSSE: http://www.geoportail.fr/visu2D.do?ter=metropole



Pays France
Région Alsace
Département Bas-Rhin
Canton Schirmeck
Code INSEE 67026
Code postal 67130
Population 133 hab. (1999)
Nom des habitants BellefossoisBellefossoises
Superficie 734 hectares
Densité 18,11 hab/km²
Point culminant 1091 m d'Altitude
Coordonnées (long/lat) 07°12'57"E/48°24'20"N






Madame Wochenbrunner
Les deux complices dévalent le chemin du village. Arrivés presque en bas, ils peuvent deviner dans la pénombre la grande toiture basse de la « ferme Wochenbrunner ». À peine s’approchent-ils, à tâtons, de la porte d’entrée, faite de planches disjointes, que retentissent à l’intérieur les hurlements furieux d’une bête probablement féroce. Paul-André annonce précautionneusement à Frédéric.
- Au fait, on ne t’avait pas dit, madame Wochenbrunner a un chien ! * * *
- Entre Frédéric, tu es ici, chez toi ! Elle a conservé, probablement de sa Dordogne natale, une voix légèrement rocailleuse et quelque peu chantante qui plaît à Frédéric. Ce soir-là, elle ne lui a posé aucune question. Lui non plus, il n’a rien cherché à savoir. Ils se sont simplement adressé des politesses, quelques bonnes manières, dans le respect l’un de l’autre, s’observant, se souriant..... * * *
Que ses jambes sont lourdes lors de la montée du village. Est-ce à cause de la pente ou du poids du cartable ? Celui-ci est quasiment vide. Déjà, il aperçoit la haute bâtisse de l’école, encore plus haute, plus imposante vue d’en bas. Frédéric entre dans la cour toujours ouverte sur l’unique rue pentue du village. Les copains lui font une sorte de haie d’honneur.
Dès qu’il est apparu, à la sortie du léger virage que fait, à mi-pente, le chemin montant, ils ne l’ont plus quitté des yeux, le scrutant de loin, le détaillant, l’évaluant sans mot dire. Chacun des pensionnaires se rappelle probablement trop bien le traumatisme qu’il a lui-même subi lorsqu’il a débarqué ici, voici à peine quelques jours. Une solidarité certaine se lit dans leurs regards. Il y a là cinq ou six élèves du cru ; Marlène, la seule fille, leur mascotte, un petit voisin de l’école, qui habite juste en dessous, trois plus grands, déjà en classe de fin d’études et, bien sûr, Paul- André. Du côté des pensionnaires dyslexiques, il y a Jérome, Hervé qui vient de Metz puis les frères Potié, Pierre et Auguste dont les parents sont agriculteurs près d’Amiens dans la Somme. Claude ainsi qu’André et enfin Daniel amené tous les jours de Rothau, par son père complètent l’effectif trop réduit de la classe selon les normes de l’Education Nationale. D’autres les rejoindront au cours de l’année ……………. * * *

Madame.
Madame, c’est une alchimie subtile et complexe faite d’autorité, d’ordre, de rigueur, de sens du devoir et de conscience professionnelle. Tout cela dans un seul but, atteindre ses objectifs. Toutes les contraintes et les rigueurs qu’elle juge indispensables à la réalisation des ambitions qu’elle a pour ses élèves, elle se les applique, d’abord à elle-même. Elle pousse le sensde l’éthique et de l’équité à tel point, qu’elle se trouve quelquefois face à des contradictions flagrantes. Elle peut être parfois perçue, comme profondément dure et injuste. Mais personne n’a idée de l’ampleur de son engagement.........
....... Elle elle avait dû batailler ferme avec les élus : Député, Sous-Préfet, Maire, pour que, de haute lutte, elle parvienne enfin à obtenir qu’on ne ferme pas l’école de Bellefosse pour cause de sous-effectif. Elle avait dû parlementer avec les services sociaux pour monter, avec eux, ce projet jugé utopique par toute sa hiérarchie : la réinsertion d’enfants atteints de dyslexie.
Dyslexie ! Ce mot barbare, désignant une déficience scolaire aux causes méconnues de presque tous à l’époque, est le plus souvent jeté comme un anathème sur des enfants. Leurs particularités souvent mal définies en faisaient des rebuts du magnifique système éducatif engendré par la République. Au début de cette expérience, dans le village, ne disait-on pas, en baissant un peu la voix,- Pensez, les pauvres, ils sont idiots……
Le père Ignace
Sur le parvis de l’église, un père capucin, que l’on peut reconnaître à sa soutane de bure à capuchon marron resserrée à la taille par un épais cordon blanc, s’entretient vraisemblablement avec son bedeau. Manifestement, il est très irrité et attend le groupe de Bellefosse en retard. Dès qu’il les aperçoit, il s’avance vers eux, menaçant. ...........
* * *
chapelle BELLEFOSSE 67026 Eglise protestante 1913
Le chemin de Blancherupt.
Sur le flanc de la colline qui fait face serpente un chemin que l’on devine, plus qu’on ne le voit. Il prend naissance au bas du village, monte d’abord très raide, se perd dans un bosquet, puis réapparaît et continue sa course jusqu’au sommet. C’est le chemin de Blancherupt. Frédéric ne le sait pas encore, mais désormais, deux fois par semaine, il l’empruntera pour se rendre à l’église le dimanche ou au catéchisme chaque jeudi.……
* * *
Les bons moments
Les carrioles.
Cet hiver, ils en avaient déjà fait l’expérience avec les skis et les luges artisanales. Avec la disparition de la neige, ils ont voulu varier les plaisirs des sports de glisse. Comme toujours l’idée leur avait été suggérée par les récits de souvenirs d’enfance de madame Wochenbrunner, au cours d’une veillée. Christian et Jacques, grands amateurs de karting, avaient immédiatement initié cette nouvelle activité.
La base de tout, c’est quatre roulements à billes que l’on enchâsse sur deux axes en bois. On relie ensuite les deux essieux par une planche en prenant soin d’articuler le train avant au moyen d’un boulon central. Enfin, on équipe la planche d’un siège. Et on obtient une carriole ! Quand, en plus, on a la chance de disposer d’une route en lacets, goudronnée et quasiment sans circulation, alors là, on s’éclate !
Le repas d’escargots.
Pendant toute la durée de la saison des pluies, ils avaient fouillé les prés et le jardin potager, longé les murs de pierre, scruté les creux des troncs d’arbres à la recherche de centaines d’escargots. Madame Wochenbrunner, chef d’orchestre de cette opération, en avait supervisé toutes les phases depuis le ramassage.
…………..
Le ciné-club.
Une fois par mois, le samedi, pensionnaires et habitants du village descendent à l’école de Waldersbach pour le ciné-club. Monsieur en est l’animateur et le projectionniste. Il extrait de son coffre l’imposant projecteur et l’installe sur deux tables empilées. Les élèves accrochent l’écran au tableau noir et disposent les chaises. Les grandes bobines du film de la semaine qui ont été livrées le jour même sont là dans leurs boîtes de métal argenté. Les films en
noir et blanc, mais déjà parlants, ne sont pas de première jeunesse et ont le plus souvent un caractère éducatif.

Tout change...
Tout change… Pour Frédéric, l’heure n’est maintenant plus à la rêverie. Ses efforts doivent tendre à combler ses dernières lacunes, à se créer de nouveaux réflexes, à enfin remplir sa tête, à réviser, mémoriser, répéter toujours les mêmes choses. Sans relâche, sans faiblesse. Il s’y emploie tant et tant que cette année-là passera pour lui comme dans un rêve, si courte, si pleine, si dense, si éphémère. À peine a-t-il quelques souvenirs de cette classe austère, de Monsieur (le mari de Madame l'Institutrice) si exigeant, parfois dur même, de ce banc inconfortable, de ces cahiers raturés, de ces leçons interminables, de ces succès ou de ces échecs, si nombreux...
* * *
Puis c’est le jour tant attendu, tant redouté. Frédéric et quatre pensionnaires : André, Didier, Hervé et Dominique, plus deux autres élèves du cru, sont en route pour Schirmeck répartis dans deux voitures. Déjà les véhicules se rangent devant le bâtiment de l’école communale. Frédéric est plus mort que vivant. Il est maintenant placé au pied du mur.
Les épreuves du Certificat d’études primaires commencent…
***
EPILOGUE




Quinze jours plus tard, Frédéric quittait définitivement Bellefosse, le Ban de la Roche, Madame, Monsieur, la nouvelle maison, sa chère madame Wochenbrunner, les copains, sa vie, ses rêves, tout ce qu’il avait tant aimé au cours de ces trois années. Désormais sa tête était enfin pleine de souvenirs. Il avait durant son séjour ici pu se construire une vraie mémoire d’enfant. Celle dans laquelle dorénavant, il puiserait toute sa force de caractère, toutes ses références, celles qui à l’avenir lui permettraient de prendre tout au long de sa vie d’adulte les bonnes décisions.
À présent il a une histoire, il existe !





Frédéric Witté

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Professeur des écoles Maitrise de sciences LYON 1 Villeurbanne Diplome de secouriste
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